La menace plane

Les hommes ne veulent pas d’enfants…

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La menace plane

À peu de chose près, tous les hommes sont pareils : ils veulent baiser ma femme. C’est l’histoire de ma vie. Quand cela s’est produit, tout s’est écroulé, tout! Qu’est-ce que je deviens lorsqu’un intrus viole mon territoire? Que faire?

Même si j’ai moi-même baisé à droite et à gauche, lorsqu’un importun s’empare de ma femme, de ma possession, je deviens fou. Territoire et sexe sont intrinsèquement reliés. Impossible de les séparer. J’ai beau ressentir que cette douleur ne rime pas avec « amour véritable », je souffre l’enfer. J’ai un mal de chien à supporter la menace. C’est d’ailleurs elle qui forge le couple! Paule Salomon abonde dans le même sens : « L’inconscient du couple nourrit sans cesse un tiers, au moins dans le fantasme. C’est ainsi qu’il échappe à l’enfermement, à la routine. Le tiers rôde, sans cesse repoussé, maintenu en limite et espéré. L’infidélité possible est le ferment du couple. »

De fait, chacun d’entre nous représente un tiers pour un couple en formation ou en dissolution. « On n’est plus à deux dans un couple, mais à trois, poursuit Salomon. Et la troisième est l’ombre, réelle ou imaginaire, d’un ou d’une autre. L’ombre de la trahison. » Et sur ce point, je suis d’accord avec ce jeune philosophe anglais, Adam Philipps, dont le résumé du secret de la monogamie est rapporté par Willy Pasini : « Le couple est une résistance à l’intrusion d’un tiers; mais pour qu’il dure, il est indispensable qu’il ait des ennemis. C’est pourquoi le monogame ne peut se passer d’eux… À deux, on est ensemble, mais pour former un couple, il faut être trois. »

En lisant Salomon et Pasini, j’ai compris pourquoi il est si épuisant d’être en couple. Je n’ai jamais cessé de résister contre un tiers. À tout prix, j’ai dû combattre, faire front et exclure son approche avec énormément d’énergie dépensée. Aussi, je me suis fait un devoir d’être sur la ligne de front dans l’espoir de connaître l’ennemi afin de juger s’il était possible de le maintenir hors de mon couple. L’auteur Jean Cournut suit à cet égard la pensée de Freud en ajoutant : « Possède une caractéristique, soit la tendance de l’amant à vouloir « sauver » la femme aimée, la sauver des difficultés éventuelles de la vie, mais surtout de la déchéance morale. » Il avance que l’explication générale réside dans la « fixation de l’enfant à sa mère. » Voilà qui m’apparaît tout à fait logique. Bonjour la souffrance, la résistance! J’ai bien compris à quoi je résiste… La résistance est la peur du changement, de l’autre, le refus de ce qui est.

À l’inverse, être le tiers, la menace pour un couple, représente un beau défi. C’est enfoncer le barrage de l’autre, une manœuvre qui n’est pas toujours consciente. Au début surtout, on veut simplement offrir à la convoitée une occasion de vivre une expérience différente. Ce peut être un acte manqué ou non. Femmes et hommes ne se trompent pas de la même manière. Le mâle tente de contrecarrer le danger que représentent les autres pour sa sécurité. Cependant, il ne résiste pas lui-même à l’appel du sexe lancé par un tiers féminin. Bien qu’il souhaite rester en couple, il ne refuse pas une invitation. Eh oui, tous des cochons!

Chez la femme, il en va autrement. S’abandonner à un autre signifie que le couple est sur le point de mourir si ce n’est déjà fait. Quand une femme couche avec un autre, c’est qu’elle est prête à passer à autre chose. Sauter la clôture lui permet de se détacher tout à fait de son conjoint. Moins morcelée que l’homme dans sa sexualité, elle est entière comme un bloc. Et généralement, elle se donne à un seul homme. Alors que pour moi, baiser avec d’autres n’est pas signe de rupture; seulement, ma sexualité est multiple et insatisfaisante dans la monogamie. La scission se pointe si ma femme apprend que j’ai des relations extraconjugales et c’est elle qui décide de la suite. Si mon intention est de demeurer à ses côtés et que j’ai les bons arguments pour ma défense, j’ai des chances. De mon côté, je coupe court à la relation si j’apprends que ma douce a un amant. Je peux donc avoir de nombreuses maîtresses tout en souhaitant la stabilité de mon union. Forcément, je ne crierai pas sur les toits que je m’envoie en l’air un peu partout! Le silence sur cette double vie va de soi. Bien peu de femmes acceptent de ne pas être uniques dans le cœur de leur homme.